dimanche 8 avril 2012

BATTRE LE CAMPAGNE....

Au regard des contraintes qui imposent à l'Europe leur calendrier douloureux (crise financière, endettement des états, croissance atone, chômage...), notamment aux plus jeunes (en Espagne et en Grèce de manière dramatique), les débats pitoyables de cette campagne électorale ont de quoi légitimer toutes les colères. Cette élection, présentée comme l'échéance ultime qui doit, enfin, déterminer les grandes orientations de la France pour les prochaines décennies, se trouve plus que toutes les autres dans l'obligation de répondre à des défis sans précédent : modèle économique, social, réforme de l'État, Europe, environnement, éducation et recherche... tout ou presque n'en déplaisent aux nostalgiques des Trente Glorieuses est à réinventer. Entre deux escarmouches, deux petites phrases, les propositions les plus désopilantes font pourtant autorité comme si le temps avait entendu l'appel de Lamartine : ici un ex sénateur se fait le promoteur éructant d'un socialisme pour grabataires et prône une gestion étatiste autoritaire de tous les instants, il ne lui manque plus que la moustache et nous serons gratifiés d'un nouveau petit père du peuple, mais rassurons-nous s'il a la gouaille et la "puissance d'analyse" d'un George Marchais, c'est un bon démocrate, promoteur d'une sixième république qui se décidera peut être à abolir les politiciens perpétuels comme lui ,le nouveau venu est en mandat depuis 1986, du balais ! La candidate écologiste demande quant à elle un réel changement des comportements afin de préparer la "transition écologique", on croit deviner de ce côté là aussi la même défiance à l'égard du marché, de l'initiative individuelle, un certain autoritarisme dans cette "transition nécessaire", un surmoi troglodyte décroissant qui peine à s'assumer publiquement, un catastrophisme entretenu à dessein pour faire décroître l'intelligence du public... Du côté de l'extrême gauche c'est le pittoresque qui domine aussi, plus inquisitoriale (la parité n'est pas respectée ? en prison ! quelle solution progressiste...) , on ne veut pas laisser la radicalité autoritaire, "la dictature du prolétariat" au tribun frontiste qui de ce côté là en fait des tonnes. A quand les stages de rééducation pour les entrepreneurs récalcitrants, le goulag obligatoire pour les capitalistes impénitents ? Le Centre ? le candidat le plus européen se découvre sur le tard une fibre nationaliste et protectionniste, comme la candidate du front national, bigre, que ne construisons-nous de nouveaux murs de Berlin afin de protéger le peuple tétanisé de tous les dangers de la mondialisation ? Mais serions vraiment en sécurité sous le férule de tous ces rageux qui pour les uns sont inquiétés par les migrants, pour les autres par les concurrents, voire les deux à la fois ; le coq gaulois n'en continue pas moins à chanter même si ses pattes sont bien enfoncées dans le fumier. Le parti socialiste n'a toujours pas réussi à se réformer (comment pourrait-il réformer ce pays alors ?) ; François Hollande avait eu très tôt la bonne intuition, en fondant son programme sur un diagnostic et des réformes, en direction de ceux qui perdent objectivement sur tous les tableaux (emplois, carrière, logement) en raison des choix et priorités de leurs ainés, les jeunes. LA note de Terra nova était venue comme une pièce théorique de première importance : elle permettait d'interroger la question sociale à la lumière d'un nouveau paradigme, tout un travail que les socialistes français se reposant sur des catégories sociales traditionnelles n'avaient jamais eu le courage de faire par crainte de se priver de certaines clientèles électorales. Le succès du populisme vintage du front de gauche n'est en rien symptomatique d'un retour de la "question sociale", s'il traduit la colère face aux injustices que la crise rend plus insupportables encore, ce mouvement d'humeur renvoie davantage à une crispation identitaire, nostalgique d'une époque où le statu quo permettait à chacun de trouver son compte ; celui-ci aujourd'hui est lourdement atomisé par l'économie mondialisée. Le front de gauche ne propose que d'entreprendre une Restauration de ce modèle social obsolète sur le mode incantatoire et hallucinatoire, voire d'en renforcer la misère (l'ennui des bastions scolaires obligatoire pour les jeunes jusqu'à 18 sans pour créer à crédit encore des milliers de postes d'enseignants). Ceux qui ont quelque chose à perdre (leurs "droits acquis" notamment) se mobilisent dans un mouvement conservateur, ceux qui étaient "aux portes du paradis" (le fameux modèle social français) n'ont aucun intérêt à maintenir ce système, les désordres de la mondialisation leur fournissent d'avantage d'opportunités pour construire une trajectoire individuelle hier impossible. Hollande en avançant son projet d'un contrat entre générations, et non d'une fracture irrémédiable, tenait un programme conséquent pouvant réunir des classes populaires et moyennes et les outsiders toujours plus nombreux dans un même projet de réforme de la société et de l'état adapté aux urgences et conditions nouvelles de la période. Pourtant paralysé par la poussée frontiste, le candidat socialiste en vient peu ou prou à adopter les lignes conservatrices, sous-marxistes, protectionnistes, étatistes, bureaucratiques (extension du domaine des tentacules de la fonction publique), et on voit mal comment il réussira le grand écart entre un "protégisme juventiste" revendiqué et l'ouvriérisme réchauffé de ses alliés de demain. Le président/candidat se surprend entre dix imbécillités à attaquer son adversaire sur son propre terrain(la "banque de la jeunesse"), Hollande balaie cette proposition qui est pourtant le complément économique du volet social de son programme en direction de la jeunesse. Quelle erreur ! Qu'il lise le Soulèvement de la jeunesse et se débarrasse de ses préjugés étatistes ! Dans ce néant politique, ce retour de tous les vieux démons du XXème siècle (protectionnisme, xénophobie, poujadisme, autoritarisme) la fréquentation du web donne ici et là quelques motifs d'espérance, du côté notamment des libéraux, bien sûr totalement méprisés dans tous les débats actuels, le seul nom de "libéralisme" déclenchant dans l'espace public toutes sortes de comportements convulsifs et propos délirants chez des interlocuteurs en passe de redonner ses lettres de noblesse à l'époque stalinienne :
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Ce n’est pas la droite qui libérera le système

Nous n’attendons rien de la droite française. Oscillant entre un conservatisme gestionnaire plus ou moins éclairé pour les uns et un bonapartisme autoritaire et dirigiste pour les autres, elle n’a jamais rien entendu au libéralisme. De Gaulle avait fait la synthèse de ses contradictions, Sarkozy en explore aujourd’hui les impasses.

Au pouvoir, elle sert avec arrogance les seuls intérêts des puissants, ne réforme qu’à la marge et méprise le peuple auquel elle ne s’adresse que pour attiser ses peurs. Internet, microbes, climat, immigration, drogues, mondialisation, terrorisme : tout est bon à prendre, jusqu’au moindre fait divers, pour instiller la crainte et mieux étendre sur nos frêles épaules la « protection » de l’État sécuritaire.

Car sous le masque du pseudo-modernisme dont elle s’affuble désormais, c’est bel et bien toujours la même droite conservatrice, ascétique et paternaliste qui est aux affaires. Qui s’étonnera qu’elle sacralise le travail, préfère l’ordre à la justice, flatte les racismes ou promette de « liquider l’héritage de mai 68 » ?

Face à elle, la gauche est introuvable

Orpheline d’idéologie de référence depuis l’effondrement du marxisme, la gauche française l’est aussi de projet. Comme si, en faisant le deuil des lendemains qui chantent, les socialistes avaient aussi renoncé à tout espoir de progrès.

Accrochée à ses niches électorales en régions qui sont autant de baronnies, elle n’intéresse plus au niveau national que par ses divisions et se montre incapable de proposer une alternative politique crédible.

Faute de projet, les socialistes donnent dans la démagogie sociale comme la droite le fait en matière sécuritaire. Au programme, toujours les mêmes rengaines : plus de dépenses publiques, plus de fonctionnaires, plus de subventions, plus de régulation, plus de législation, plus d’intervention, plus de protection. Et des impôts pour les riches, bien sur.

Ainsi prétendent-ils maintenir la flamme d’un idéal qui ne consiste plus aujourd’hui qu’à défendre des privilèges sectoriels anachroniques, et un modèle social épuisé qu’ils se refusent à réformer.

Mais la mondialisation des échanges, la révolution numérique, l’évolution des modes de vie et des parcours professionnels, ont transformé en autant d’archaïsmes les solutions que la rhétorique socialiste nous ressasse. Et ce sont les plus pauvres qui subissent aujourd’hui en France l’absence de forces de progrès et de modernisation.

Une autre gauche est possible

L’essence de la gauche n’est pas d’être dirigiste, étatiste ou interventionniste. Elle est de favoriser les conditions du progrès, au service de l’émancipation des hommes et des femmes, dans le respect de leur liberté. L’oublier a mené les socialistes et les peuples qui en attendaient la libération dans des impasses tragiques.

Avant d’être socialiste, la gauche fut libérale et libertaire, humaniste et hédoniste. Elle a exercé sa volonté émancipatrice au service des individus, ici et dans le reste du monde. Elle a réinventé une relation entre l’Etat et les citoyens dans laquelle le premier est le garant des droits et des libertés des seconds.

Il est désolant que la gauche française ait refoulé, avec tant de constance et d’aveuglement, ses racines libérales. Ce n’est qu’en les redécouvrant et en redonnant toute sa place à la pensée libérale dans sa réflexion, qu’elle peut redevenir cette gauche généreuse, respectueuse du libre choix de chacun, qui ouvre les possibles au lieu de les refermer.

Le temps est venu de raviver le message de cette gauche libérale, celle des Lumières, du Droit et de la Raison, mère de la Révolution de 1789 et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Ce n’est pas en renforçant encore les pouvoirs de l’État et des administrations que nous construirons une société plus juste, c’est en luttant contre les privilèges et les statuts particuliers, en favorisant l’égalité des chances et l’accès libre au marché, en promouvant l’initiative individuelle et la responsabilité, en défendant les libertés fondamentales."

in Manifeste des libéraux de gauche, le meilleur texte politique de la campagne, un e vraie fenêtre pour la jeunesse, l'antidote au formol Hessel, aux dames-patronnesses et à leur indignation, une réponse aux conservateurs de gauche et de droite, un refus des régressions protectionnistes et autoritaires, un appel au grand large, lâchez-tout, lâchez-tout !

http://www.libgauche.fr/manifeste-mlg/