lundi 23 janvier 2012

NI PETROLE, NI IDEES ?


Les échéances présidentielles prochaines, avec toutes les limites qu'un tel exercice comporte dans le contexte français, seront l'occasion de porter de réelles propositions réformistes dans un paysage politique en ruines. Ce pays en effet ne cesse de perdre sur tous les tableaux (éducation, croissance, emploi, inégalités, recherche...) et se découvre malgré tous les caches-misères de droite comme de gauche enfin dans sa nudité misérable. Le réveil est douloureux et la population doute, cède à tous les vieux démons, après avoir été anesthésiée par les conservatismes de l'UMP et du Parti Socialiste ; mais les vieilles ficelles ne font plus illusion : avec toutes ses rustines, ses "gris-gris » et ses slogans creux , la classe politique est trop longtemps restée en deçà des défis et enjeux qui s'imposent maintenant à tous dans l'urgence, chacun rivalise désormais en propositions qui promettent autant de reculs et de désenchantements pour demain : politique anti-immigrés à droite dont le summum avait été atteint avec la circulaire du triste Guéant dirigée contre les étudiants étrangers, fiscalité privilégiant la rente (le bouclier fiscal) à l'investissement, défiscalisation des heures supplémentaires alors que le chômage n'a jamais été aussi fort, multiplication des sommets européens sans aucune perspective de relance, multiplication des pôles de compétitivité condamnés à l'inefficacité en raison de la dilution des moyens mis en œuvre... Mais la gauche n'a pas démérité en matière d'indigence intellectulle et elle s'est montrée toute aussi prolixe en poncifs éculés qui ont finit par ruiner sa crédibilité auprès d'un électorat davantage conscient des effets inexorables de la mondialisation, de sa complexité devant laquelle le pouvoir politique semble démuni ou résigné : maintien du pouvoir d'achat par des politiques redistributives jamais financées, augmentation du nombre de fonctionnaires sans incidence sur l'amélioration des services publics, béquilles couteuses à l'efficacité douteuse comme les emplois-aidés, la réduction du temps de travail, désignation de cibles faciles (les « riches », la « finance » mondialisée). Les entreprises ferment les unes après les autres, laissant des salariés à leur colère, la désindustrialisation de la France n'est plus un sujet tabou, le système éducatif laisse des milliers de jeunes dans l'échec et ne garantit plus aux heureux gagnants de sa compétition impitoyable et de sa sélection la possibilité de trouver une place à la mesure des espérances et des efforts fournis, le ressentiment monte et les exigences de nos compatriotes en matière économique n'ont jamais été aussi grandes.

C'est dans ce contexte que la candidature de François Hollande s'est peu à peu imposée. Avec lui, les plus réformistes du Ps, ceux acquis depuis longtemps à la nécessité d'un socialisme renouvelé, inspiré par les exemples de la social-démocratie, peuvent donner au Ps cet horizon nouveau pour la présidence qui vient ; les Cahiers se réjouissent de voir que le candidat vainqueur à la Primaire a fait de la Jeunesse sa priorité, alors que la ligne aubriste s'efforçait de réactiver les spectres de la période héroïque du socialisme bedonnant. Les enfants révoltés de mai 68 ont bien vieilli et peinent à s'émanciper de leurs vieilleries mythologiques (la réduction du temps de travail qui a connu son heure de gloire avec la CFDT dans les années 70 comme point d'orgue des Trente Glorieuses et de leur insolente croissance) sans compter qu'ils assument sans doute difficilement de représenter aujourd'hui une bourgeoisie qui vit des rentes d'un modèle social qu'elle a contribué à installer et qu'à l'égard des outsiders et des loosers de son meilleur des mondes elle n'a guère de solutions innovantes à proposer. Laissons les à leurs cadavres... La fracture générationnelle, bien plus que le vieux clivage de la lutte des classes traverse la société ; les logiques de rente paralyse, bloquent les entrants qui découvrent un monde où l'immobilisme est la garantie pour ceux qui ont une place de pouvoir en conserver la jouissance, même si cela se paie d'un statu quo qui finit par détruire même l'idée d'un bien commun et de « vivre ensemble ». François Hollande et son équipe semblent décider, encore trop timidement, à redonner un sens au « rêve français » en conjuguant un sens des réalités inattendu et l'engagement de donner aux générations qui viennent la chance d'un avenir. Bien des réformes devront être entreprises et négociées, certaines ne manqueront pas de hérisser l'électorat socialiste classique et son culte de l'État Providence, de sa bureaucratie, mais nous ne pouvons que soutenir un projet dont nous pensons qu'il peut décliner dans un même moment réformiste inédit en France la question de la jeunesse et de son avenir, la réforme de l'État providence et une dynamique économique de croissance à condition d'aller plus loin dans une libéralisation de la vie économique, au profit des jeunes, des outsiders. Saluons enfin en François Hollande un leader socialiste qui réinscrit la nécessité de l'Europe, contre toutes les tentations protectionnistes et populistes qui trouvent en ces temps d'austérité, hélas, de nombreux défenseurs à gauche. Plus que jamais le "protégisme juventiste" qui semble guider aujourd'hui le Parti socialiste et l'urgence d'un nouveau modèle économique inscrivent l'économie nucléaire d'Isidore Isou comme une référence incontournable de cette période de turbulence et de transformation.