mercredi 9 mai 2007

BILAN DE CAMPAGNE : QUEL AVENIR POUR LE PARTI SOCIALISTE ?

Le résultat des élections est sans appel et offre à Nicolas Sarkozy une légitimité fondée sur un programme libéral-conservateur clairement assumé et défendu par le candidat UMP ; La campagne a révélé une profonde mutation du paysage politique français qui voit une droite décomplexée s’émanciper de l’héritage gaulliste et une gauche située à un moment décisif quant à ses orientations et les alliances qu’elle devra nouer pour gagner. Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy sont les deux figures emblématiques de ce désir de renouvellement qui a traversé le pays durant la campagne. Le taux de participation quasi-historique ne peut que réjouir dans la mesure où citoyens et citoyennes ont renoué en la circonstance avec la politique et contribuent ainsi à renforcer la vie démocratique autant qu’à responsabiliser les élus mandatés dans leurs engagements. Chacun des deux candidats, et François Bayrou dans une certaines mesure, s’est efforcé souvent contre son propre camp, en prenant à rebours son parti et sa culture de « bouger les lignes », de transgresser les frontières étanches, de trouver de nouvelles cohérences ou des rapprochements stratégiques : que l’on se souvienne d’un Nicolas Sarkozy proposant un Ministère de l’identité nationale qu’un Jean Marie Lepen ne désavouerait certainement pas ou de Ségolène Royal consciente des insuffisances de la gauche en matière de lutte contre « l’insécurité » avançant pour « tâcler » l’adversaire sur son propre terrain son concept « d’ordre juste »…
L’immobilisme et le statu quo, au regard des défis qui s’imposent à la France (politique économique, construction européenne, paupérisation des classes moyennes, relégation des catégories populaires, panne de l’ascenseur social, mondialisation dérégulée…) ne sont en effet plus tenables, ni défendables mais force est de constater que le candidat de droite a réussi à convaincre que son programme libéral (sur le terrain économique) et conservateur (ordre et autorité sur le terrain social et sociétal) représentait la « rupture » et le « changement » quand il incarne bien plutôt une révolution conservatrice sur fond de bonapartiste, un peu à l’image de ce qu’ont été les mandatures de Margaret Tatcher ou celle de Ronald Reagan. Au moins a-t-il le mérite de la transparence et de la lisibilité, ce qui change d’un Jacques Chirac, et d’une présidence mandatée pour résorber la « fracture sociale » en 1995 qui n’a eu de cesse, hors la cohabitation avec la gauche plurielle, de mettre en place des gouvernements (Juppé, Raffarin, Villepin) qui n’ont guère réussi à la résorber sinon à fragiliser davantage les catégories les plus en difficulté.
La gauche socialiste, qui revient de loin, n’a pas su convaincre qu’elle représentait plus qu’une alternative une solution aux problèmes économiques et sociaux de la France. Les raisons sont nombreuses et dès à présent des enseignements sont à tirer :
- d’abord l’effondrement des votes extrêmes : la stratégie de transgression d’un Sarkozy qui en décomplexant les thèmes du front national (sur la sécurité, l’immigration) a récupéré une partie de son électorat ; les électeurs frontistes ne s’y sont pas trompé qui ont voté massivement au second tour pour le candidat UMP ne suivant pas en cela les consignes de boycott et d’abstention de Jean Marie Lepen. Pour la première fois, le front national est arrêté dans son irrésistible ascension. Ceux qui donnaient leur voix au FN, moins par xénophobie que par ressentiment, pour protester contre le « système » ont pu par ailleurs être séduit par la surenchère offensive d’un Bayrou au premier tour partant en guerre contre les médias et la bipolarisation gauche/droite qui interdit toute alternative. Quant à la gauche de la gauche, elle a cessé d’illusionner : en adoptant une posture « anti » systématique ( contre la constitution européenne, contre Sarkozy, contre le « libéralisme »), en offrant le spectacle pitoyable des querelles intestines, des rivalités de personne, en témoignant de son infantilisme (au sens où Lénine parlait du gauchisme comme de la maladie infantile du communisme), de son peu de culture démocratique (voir le déroulement calamiteux des élections pour une candidature unique) et d’une absence totale de renouvellement intellectuel (les mêmes slogans usés jusqu’à la nausée), elle a fini par convaincre qu’elle représentait le vote inutile par excellence à gauche. Alors que ses militants ont été de toutes les batailles sociales (contre le Cpe, le référendum sur la Constitution européenne, la réforme Fillon sur les retraites, les émeutes du mois de novembre 2005), malgré une participation historique à ces élections, ils n’ont à aucun moment été en mesure de capitaliser et de canaliser le mécontentement social ; plus encore les résultats obtenus sont même notablement en baisse par rapport à ceux de 2002 (les Verts passent de 5% à moins de 2% pour Dominique Voynet, même chose pour Arlette Laguillier et LO, Marie George buffet fait 1,9 % là où Robert Hue faisait 3,84%, la LCR se maintient autour de 4% mais où sont donc passés les habitants des banlieues, les jeunes pour lesquels elle affirme se battre ?). Bref, au lieu comme le voulait Marx de « marcher au pas de réalité », la gauche de la gauche tient une posture purement idéologique qui a fini par le lasser : en guise du « grand mouvement populaire antilibéral » qu’était supposé incarné le Non au referendum sur la constitution européenne nous assistons à un véritable plébiscite, y compris dans certaines catégories populaires, pour une révolution conservatrice ! On ne pouvait pas faire plus grand contresens ! Si le diagnostic est erroné, que penser alors des solutions préconisées… et quelle erreur du Parti Socialiste (Melanchon, Fabius, Strauss Khan, et même Hollande) d’avoir couru après cette chimère quitte à en oublier leurs responsabilités et les aspirations réelles, concrètes des classes moyennes et populaires. Il valait sans doute mieux lire les textes publiés par la République des Idées (et Ségolène Royal ne s’y est pas trompé) que les publications toujours très inspirées de la nébuleuse altermondialiste (dont je ne néglige pas pour autant l’intérêt et l’apport pour certaines d’entre elles… mais elles apparaissent en si mauvaise compagnie…).
- Du côté socialiste, et avant d’avancer plus avant dans l’analyse, je dois ici saluer la campagne, malgré ses défauts, ses errements et ses tâtonnement nombreux, de Ségolène royal, et affirmer, n’en déplaise aux assis du Parti Socialiste que le renouveau idéologique qui doit y être mené ne peut se faire qu’autour d’une candidate, mandatée par les adhérents, qui a suscité une dynamique inattendue et a renoué avec les classes moyennes et populaires, malgré la défaite. Au premier tour à Saint-Denis, bastion rouge s’il en est, elle a fait un score de 49% qui va bien au delà des explications par « le vote utile » ou le « rejet de Nicolas Sarkozy ». Au contraire du candidat UMP qui se préparait à ce destin présidentielle depuis bien longtemps (avec tous les réseaux, relais et alliances que cela suppose ) Ségolène Royal a émergé dans le cadre d’un PS en crise profonde (échec de 2002, rejet du traité constitutionnel européen pour lequel il appelait à voter), avec l’arrivée massive de nouveaux adhérents qui ont contribué à modifier les équilibres au sein du parti et à changer sa sociologie. Elle a ensuite affirmé un style, une ligne qui ont permis, quoi qu’on en dise, d’apporter des éléments neufs à la vie politique (démocratie participative, soucis de la proximité contre la distance théorique et l’approche technocratique). Ce qui a fait la force de Sarkozy, en situation comme Ségolène Royal d’externe, c’est sans doute que le nouveau président a fait tomber une à une, avec talent, tactique et aussi brutalité, les forteresses qui se mettaient entre lui et son rêve présidentiel : mis à l’écart après sa fronde balladurienne, il a réussi à être adoubé à la fois par les militants qui ont adhéré à sa droititude fièrement revendiquée ainsi qu’à son volontarisme, et par les cadres de l’UMP puisqu’il a réussi à devenir le chef d’un parti crée et construit autour de Jacques Chirac et à retourner à son avantage toutes les manœuvres et les coups de ses adversaires (Villepin et les chiraquiens); Ségolène Royal a elle bénéficié du soutien des adhérents socialistes mais jamais elle n’a fondamentalement obtenu l’adhésion majoritaire des cadres qui ostensiblement ont manifesté leur résistance au Royalisme offrant aux électeurs l’image d’un parti divisé, tiraillé entre des tendances contradictoires. N’ayant pas su retourner l’appareil, ne pouvant y installer les hommes et les femmes neufs qui gravitent dans son sillage, elle n’a pu bénéficier de l’appui de son propre Parti, là où Nicolas Sarkozy a obtenu une discipline sans faille de tous (et même de ses plus grands adversaires comme Villepin) indispensable pour conquérir le pouvoir alors qu’il y a encore un an il était l’épouvantail honni de son propre parti. La gauche en 1981 a gagné parce qu’elle était unie, la division entre adhérents et appareil, entre sensibilités divergentes (sans parler de l’impossible union de la gauche de la gauche) a joué contre la candidate.
- C’est dans ce flottement que Bayrou est parvenu à exister, en se présentant (alors que l’UDF s’est historiquement construite à droite), comme transcendant le clivage droite/gauche au nom d’une troisième voie improbable. La création de l’UMP en 2002 a vampirisé une partie de ses forces, et l’a marginalisé, c’est donc dans en partie grâce à l’absence de renouvellement théorique au PS qu’il su construire sa figure d’opposant (refus de signer le budget, interventions polémiques à l’Assemblée, conflit ouvert avec l’UMP, dénonciation des connivences entre pouvoir médiatique et politique avec des accents quasi « gauchistes » !). En courant après la gauche de la gauche dans l’illusion de reprendre dans un cadre institutionnel un mouvement de radicalité qui n’existait pas, le PS a laissé vacante la place du réformisme de gauche à d’autres, tandis que sa candidate légitime apparaissait comme en décalage par rapport à la culture et aux orientations de celui-ci. Les 18,5 % obtenu par le candidat UDF ne doivent pourtant pas illusionner : ils traduisaient un désarroi d’électeurs de l’UMP et du PS devant la nouveauté des deux candidats dans leur style autant que dans leurs propositions. Au delà de cette bulle spéculative (que restera-t-il de ce mouvement en septembre ?), de la cuisine électorale (le ralliement de la plupart des députés UDF à Nicolas Sarkozy élu président n’est pas une surprise), il existe bien une électorat, certes modeste, mais qui peut peser et qui ne se reconnaît ni dans l’orientation libérale de l’UMP, ni dans l’étatisme longtemps défendu par le PS. Cela suffira-t-il à François Baryou qui visiblement souhaitait un éclatement du PS, disqualifié dès le premier tour, afin d’en reprendre l’aile social-démocrate pour son propre compte ? Car la modernisation social-démocrate du PS ne lui laisserait plus guère d’espace pour continuer à exister politiquement et le centriste devrait choisir son camp, ce que sa culture oecuménique du Ni…ni (Ni droite, ni gauche) se refuse à faire : ou la réforme libérale, ou la réforme social-démocrate.
- Enfin, les socialistes ont abordé la campagne sans ligne véritable, en manœuvrant à vue (avec des succès mais aussi des flottements) sans avoir au préalable procédé à l’urgence d’un renouveau doctrinal et théorique ; les primaires qui constituaient une nouveauté salutaire dans l’organisation de la démocratie politique, aux antipodes du dirigisme pyramidal et hiérarchisé de l’UMP, avait bien montré la pluralité des options qui cohabitent au sein du PS, seul parti de la démocratie française à rassembler des courants de sensibilité distincte : une aile mitterandienne (version programme commun de 1974) incarnée par Fabius avec un socialisme fortement étatique, interventionniste, une aile social-démocrate représentée par Strauss-kahn qui incarne sans doute le seul avenir possible et souhaitable au Parti socialiste afin de faire barrage à un nouvel adversaire politique libéral et conservateur, et enfin la démocratie participative défendue par Ségolène Royal soucieuse de décentralisation (davantage de décisions et de pouvoirs aux régions) et d’un pragmatisme qui la rapproche des travaillistes anglo-saxons. C’est sans doute sur le terrain économique que Ségolène Royal a perdu des points ; alors qu’elle portait de réelles innovations sur le plan politique, social et sociétal, elle a développé au cours de la campagne un programme classiquement socialiste afin de rassembler à gauche ; de son côté Nicolas Sarkozy en rompant (au moins dans le discours) avec la tradition gaulliste d’un état fort et interventionniste a pu ainsi apparaître à la grande satisfaction de Jacques Marseilles, Michel Godet et Nicolas Bavaerez (sans parler de ses soutiens patronaux Bouygues, Bebéar, Lagardère) comme le candidat qui allait introduire le loup du libéralisme dans la bergerie de l’exception française. Face à ce discours libéral, la gauche n’a pas encore renouvelé son logiciel, sa grille de lecture, sa méthode, ses concepts… malgré le travail remarquable de nombre d’économistes qui lui sont acquis et que nous nous n’avons hélas que trop peu entendu durant cette campagne. Pour faire bref et reprendre les propos de Jacques Généreux, on ne conteste pas un axiome économique (libéral en l’occurrence) en expliquant uniquement qu’il est injuste et méchant, on commence par expliquer qu’il est faux avant d’argumenter sur la nécessaire justice sociale qui constitue le cœur et la force d’une société apaisée. La ligne de partage entre droite et gauche n’a ainsi toujours pas bougé et se décline sous la forme de la fausse opposition entre justice sociale et efficacité économique, au détriment de la gauche. A Monsieur Sarkozy, la réduction des déficits publics, l’austérité nécessaire, la baisse des prélèvements et charges, la mise à plat du droit du travail, le marché rendu à lui-même, l’augmentation du temps de travail, la chasse aux « assistés »… ; à Ségolène Royal, l’intervention de l’état, la multiplication de nouveaux services publics pour accompagner (et non assister ) les personnes, les emplois aidés, l’allocation d’insertion pour les jeunes, l’aile protectrice de l’état, le rôle des régions dans les aides accordées aux entreprises… Devant une absence de renouvellement de propositions des socialistes sur cette question, qui tout en n’ayant jamais été frontalement abordée, n’en a pas moins pesé dans la promotion de l’image d’un Nicolas Sarkozy « compétent pour le job », ce dernier a pu faire passer une vulgate libérale pour la solution durable aux problèmes économiques de la France. Dans la version précédente du blog des Cahiers, j’avais déjà souligné l’importance d’une refondation de la pensée économique à gauche, portée par un marxisme critique d’une brûlante actualité mais dont les propositions sont en grande partie obsolètes. Laurent Baumel dans son remarquable essai Fragments d’un discours réformiste dresse un état des lieux précis des nouveaux chantiers théoriques auxquels la gauche dite de gouvernement doit désormais s’attacher ; faire son deuil de l’illusion révolutionnaire, et d’une « surmoi marxiste » encombrant et inutile, s’inscrire dans un réformisme « radical » social-démocrate qui réconcilie efficacité économique et justice sociale et vise cherche à obtenir en économie les meilleurs résultats afin de garantir la meilleure justice sociale et une plus grande redistribution, privilégier la négociation entre partenaires sociaux et la recherche d’un consensus consenti plutôt que de recourir systématiquement à la loi, donner des garanties aux individus et non garantir des emplois qui demain sans doute seront dépassés, bref passer d’une gauche de redistribution et de partage à une gauche de production et de création de la richesse collective, l’une n’excluant pas l’autre, bien au contraire . On le voit cette perspective ne s’inscrit absolument pas dans la tradition d’un discours antiéconomique (ou économico-sceptique), qui marque encore profondément l’électorat de gauche en France. Les économistes à gauche sont pourtant nombreux : Jacques Généreux, Thomas Picketty (proche de Ségolène Royal), Daniel Cohen (proche de Strauss Kahn)…Il leur revient de gagner la bataille que Nicolas Sarkozy a provisoirement emportée, celle des idées en apportant leurs contributions dans le cadre des débats qui détermineront, après les législatives, l’avenir du Parti Socialiste, ses nouvelles orientations, voire sa réforme tant attendue. Sur ce dernier point, je ne peux que rappeler l’apport essentiel que représente, quoique toujours aussi méconnue, l’économie nucléaire développée par Isidore Isou. Le déroulement de ces élections en a confirmé bien des points : à droite comme à gauche, ce sont les outsiders qui ont bousculé les équilibres installés ; on a vu l’outsider Sarkozy retourner la chiraquie et jouer hélas comme cela était prévisible les internes (la France qui possède du capital mais aussi les catégories les plus modestes du salariat inquiétées par un avenir de plus en plus incertain) contre les externes (les immigrés, les jeunes, ceux qui dans les banlieues ne trouvent pas où salarier leur force de travail, les « assistés », les sans-emploi). Gagner la bataille des idées c’est démontrer que le modèle économique promu par Nicolas Sarkozy dans le contexte d’une économie qui se financiarise de plus en plus ne permet plus cette « destruction créatrice » théorisée par Schumpeter (disparition de secteurs économiques et des emplois qui y sont liés, apparition grâce à l’innovation et aux investissements de nouveaux débouchés créateurs d ‘emplois) mais risque bien de grossir davantage encore ces contingents d’exclus que sa majorité ne veut plus désormais considérer que sous l’angle criminel (et jamais comme une chance, un capital porteur d’avenir, une force d’innovation, un apport) tandis que les richesses dégagées loin de préparer l’avenir de tous (investissement, recherche et développement, création d’emplois) ne profitent désormais qu’à des quasi-rentiers. Eric Le Boucher, que l’on ne soupçonnera pas de gauchisme infantile, schématise les deux projets de société porté par chacun des deux candidats sous la forme d’un losange pour Ségolène Royal (remise en route de l’ascenseur social, permettre le déclassement par le haut, arriver à une société où les classes moyennes dominent) et d’un sablier pour Nicolas Sarkozy (extension d’une classe à haut revenu, les gagnants de la mondialisation, disparition des classes moyennes qui se prolétarisent, retour de catégories très proches de l’ancien prolétariat, retour d’une politique sociale de type paternaliste et compassionnelle autant que policière à leur égard). Ségolène Royal a maintenu seule l’exigence d’une solidarité intergénérationnelle, les perspectives d’un contrat social à réinventer, là où Nicolas Sarkozy martèle ses principes d’ordre et de restauration de l’autorité tout en vantant les mérites du marché enfin délivré de toute obligation vis-à-vis de la société et livré de fait à sa jungle anarchique. Au premier tour 40% des plus de 60 ans ont voté pour lui, est-ce le candidat d’un pays tourné vers l’avenir ou plutôt d’un pays qui vieillit et où ceux qui ont effectivement quelque chose à perdre sont dans une posture de défiance face aux générations qui arrivent dans des conditions de socialisation (à l’école qui est en crise aussi bien dans le secondaire que dans l’enseignement supérieur, au travail) fortement dégradées ? Quant aux plus précaires qui ont voté pour lui, n’est-ce pas le signe que cette carence théorique à gauche a fini par désespérer Billancourt et à convaincre même les plus réticents que les réformes nécessaires ne pouvaient se faire qu’avec la droite et du seul point de vue de la droite ?
On le voit les enjeux sont d’une importance considérable et nécessite au Ps ce que Nicolas Sarkozy a visiblement réussi à l’UMP ; dans un court entretien accordé au Parisien le mercredi 8 mai le député socialiste Benoît Hamon, commentant la défaite, explique : « là où je me suis senti hier soir en décalage avec mes camarades, c’est quand j’ai vue que la droite présentait le visage du renouveau avec Rama Yade, Rachida Dati ou Laurent Wauquiez, alors que nous avions les mêmes pour expliquer la défaite de 2007 que ceux qui expliquaient la défaite de 2002 et celle de 1995 !On a aujourd’hui l’éléctorat le plus divers, le plus jeune, le plus curieux et pourtant c’est la droite qui donne l’exemple de la diversité, et nous, on donne le sentiment d’être restés scotchés aux années Mitterand… ». Le renouvellement théorique implique un renouvellement du cadre, du staff, des équipes… On ne peut prétendre vouloir remettre l’ascenseur social en route pour tous et en même temps avoir un Parti Socialiste totalement sous le contrôle de ses caciques inamovibles. Dans le sillage de Ségolène Royal, des hommes et des femmes ont adhéré, une nouvelle génération s’affirme qui attend qu’on lui laisse un peu d’espace pour exister et apporter ses talents et son énergie car c’est par eux que le renouvellement théorique sera porté. Les urgences sont donc doubles comme le formule magistralement Jean-Marie Colombani dans son éditorial au Monde du 04 mai : « il faut donc d’urgence, pour la clarté et la dynamique du débat démocratique, renouveler la pensée de gauche. La mondialisation reste vécue comme une menace et diabolisée comme la cause de tous nos maux ; seule la face négative de cette révolution planétaire est prise en compte et dénoncée. La gauche réformiste doit repenser de façon moderne le changement social. Elle doit sortir de l’impasse idéologique dans laquelle elle s’est enfermée. C’est pour elle la seule manière de retrouver sa vocation historique : incarner le mouvement, le changement et l’espérance, l’optimisme sur l’avenir. Ségolène royal a esquissé un « désir » de changement, tracé une perspective. Sa défaite, surtout si elle était lourde, plongerait inévitablement le PS dans les règlements de comptes, le retour en force de tous les archaïsmes et de toutes les utopies négatives. Sa victoire lui donnerait l’autorité pour engager ce travail de réinvention indispensable. C’est un pari. Pour le pays, il mérite d’être tenté ». Depuis, les urnes ont parlé, Nicolas Sarkozy a été élu par une majorité significative Président de la République, les querelles d’appareil et de personnes sont présentes, et alors ? Lionel Jospin a été battu en 1995, en 2002 il n’a pas passé le premier tour et a plié bagage laissant les socialistes dans le plus grand désarroi ; Ségolène royal se présentait pour la première fois, au soir de la défaite, elle reprenait la main pour annoncer que le combat continuait, afin de mener à bien la refondation du Parti Socialiste, au delà de ses frontières habituelles, et de soumettre aux français pour les prochains scrutins un projet de transformation de la société par la gauche. Quel chemin parcouru depuis ses débuts hésitants lors des primaires socialistes ! Quoi qu’en pense Dominique Strauss Khan, elle représente sans aucun doute l’élément clef, par le mouvement qu’elle suscite et par l’indépendance qu’elle garde au regard des dogmes inchangés depuis 20 ans du socialisme à la française, de sa modernisation, et des réponses à apporter aux questions nouvelles auxquelles celle-ci doit répondre, très vite, notamment dans ses rapports à un centre démocrate souhaité par François Bayrou et à ses partenaires traditionnels (Pc, verts, radicaux, extrême gauche). « Laissons les morts enterrer les morts et les plaindre, notre sort sera d’être les premiers à entrer vivant dans la vie nouvelle » (Karl Marx)